Dominant, récessif et pénétrance incomplète : comprendre pourquoi
En génétique, on utilise souvent les notions de gènes dominants et récessifs pour expliquer comment se transmettent un trait ou une maladie. Pourtant, même lorsque deux chiens possèdent exactement le même génotype, ils ne développent pas forcément la même maladie. Ce phénomène est expliqué par la pénétrance incomplète.
Un gène dominant est un gène dont une seule copie suffit pour que le trait apparaisse. Si un individu possède au moins un allèle dominant, le trait sera exprimé. À l’inverse, un gène récessif doit être présent en deux copies pour se manifester. Un animal qui possède une seule copie du gène récessif est porteur mais ne présente pas le trait.
La pénétrance correspond au pourcentage d’individus possédant un génotype donné qui expriment réellement le phénotype associé. Lorsque la pénétrance est complète, tous les individus porteurs du génotype expriment le trait. Lorsque la pénétrance est incomplète, certains individus possèdent le gène mais n’expriment jamais la maladie ou le caractère. L’expression d’un gène dépend de nombreux facteurs, comme la présence d’autres gènes modificateurs, l’environnement, la physiologie individuelle ou encore la manière dont le gène est régulé dans l’organisme. Ainsi, un génotype ne garantit pas automatiquement un phénotype.
L’exemple de l’hyperuricosurie illustre parfaitement ce phénomène. Cette maladie métabolique est récessive. Les chiens HUA sont génétiquement homozygotes pour la mutation (généralement notée uu) et donc considérés comme atteints sur le plan génétique. Les chiens LUA possèdent un allèle fonctionnel et un allèle muté (uN), ce qui les rend porteurs sains. Les chiens NN possèdent deux allèles normaux et sont totalement indemnes. On rencontre aussi la notation Nhu pour désigner les porteurs sains de la mutation.
Pourtant, on observe dans certaines familles que tous les chiens HUA développent des calculs urinaires, alors que dans d’autres lignées, des chiens également HUA ne présentent jamais aucun signe clinique. Le génotype est identique, mais son expression varie fortement d’une lignée à l’autre. Cela constitue un exemple clair de pénétrance incomplète.
Il est également important de comprendre les probabilités de transmission des allèles selon qu’il s’agit d’un mode dominant ou récessif. Dans une transmission dominante, un parent porteur du gène suffisant pour exprimer le trait transmettra ce gène dans 50 % des cas à sa descendance, ce qui signifie que statistiquement un chiot sur deux héritera du caractère dominant. La moitié de la portée est donc susceptible d’exprimer le trait, quelle que soit la contribution de l’autre parent. Dans une transmission récessive, la situation est différente : deux porteurs sains transmettent chacun un allèle muté dans 25 % des cas, ce qui donne statistiquement un chiot atteint sur quatre, deux porteurs sains sur quatre, et un chiot totalement indemne sur quatre. Lorsque l’un des parents est porteur et l’autre totalement sain, aucun chiot ne sera atteint, mais 50 % seront porteurs.
Plusieurs facteurs peuvent ensuite moduler la manière dont ces probabilités théoriques se traduisent dans la réalité. Certaines lignées possèdent des gènes modificateurs qui atténuent ou aggravent l’expression de la maladie. D’autres lignées bénéficient d’une robustesse métabolique naturelle qui limite l’apparition des symptômes. La sélection réalisée par les éleveurs au fil des générations peut également favoriser, souvent de manière involontaire, des familles plus résistantes. Enfin, des variations individuelles dans la régulation des gènes peuvent influencer l’expression du phénotype, même lorsque le génotype reste identique.
Ce qu’il faut retenir est que la transmission d’un gène récessif n’implique pas automatiquement l’apparition d’une maladie. Un même génotype peut s’exprimer fortement dans une lignée et ne jamais poser de problème dans une autre. La génétique ne se limite donc pas aux notions de dominant et de récessif. La pénétrance, l’expression variable et les interactions entre gènes jouent un rôle majeur dans le développement d’une maladie.
Comprendre ces mécanismes permet d’interpréter correctement les résultats génétiques, d’évaluer les risques de manière réaliste et de prendre des décisions d’élevage plus responsables.